Depuis quelques années, le marché immobilier québécois évolue dans un contexte de pression, de complexité croissante et d’enjeux d’éthique importants.
Au cœur de ces préoccupations : la loyauté du courtier, la transparence dans les transactions et la protection du public. L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a multiplié les interventions, notamment pour mettre fin à une pratique source de confusion et de conflits d’intérêts : la double représentation déguisée.
En 2022, une réforme majeure de la Loi sur le courtage immobilier a interdit à tout courtier de représenter simultanément l’acheteur(euse) et le vendeur(euse) dans une même transaction. Mais certains courtiers, au lieu d’accepter cette séparation claire des rôles, ont cherché à contourner cette obligation en utilisant leur statut d’équipe de courtage pour maintenir des liens d’affaires ambigus avec les deux parties.
Des contournements qui mettent en péril la confiance
La stratégie était simple : un(e) courtier(ère) de l’équipe représentait le vendeur, pendant qu’un(e) collègue récupérait l’acheteur lors d’une visite libre ou par une relance téléphonique. L’acheteur croyait alors être accompagné par un professionnel neutre, voire à son service, alors que toute l’équipe travaillait en réalité dans un écosystème orienté vers la conclusion de la vente — avec, souvent, une loyauté principale envers le vendeur.
Ce type de situation, bien que techniquement déguisée, contredit totalement l’objectif du législateur : éviter les conflits d’intérêts et assurer à chaque consommateur une représentation pleine et entière, sans équivoque.
L’OACIQ resserre les règles pour encadrer le travail en équipe
Face aux dérives observées dans certaines équipes de courtage, l’OACIQ a renforcé ses lignes directrices pour éviter toute confusion quant à la représentation des parties dans une transaction immobilière.
Désormais, l’OACIQ précise que les membres d’une même équipe sont considérés comme une entité unique aux yeux de la loi. Autrement dit, si un membre de l’équipe représente le vendeur, aucun autre membre ne peut représenter l’acheteur dans la même transaction, sauf exception très encadrée (et uniquement si certaines conditions sont réunies, dont un consentement écrit éclairé des parties).
Cette orientation vise à éliminer toute forme de double représentation déguisée et à protéger la loyauté, la confidentialité et l’impartialité dans le courtage. L’objectif est clair : réaffirmer que chaque client a droit à une représentation exclusive, sans risque de conflit d’intérêts, même au sein d’une équipe.
Ce rappel réglementaire répond à une réalité que plusieurs acheteurs ignorent encore : au sein d’une équipe, la loyauté circule entre collègues — pas entre clients. Lorsqu’un(e) courtier(ère) d’une équipe vous propose ses services alors qu’un collègue représente déjà l’autre partie, c’est votre protection juridique qui est fragilisée.
Quels sont les risques pour les acheteurs non avertis ?
Un(e) acheteur(euse) non représenté(e) ou mal représenté(e) s’expose à plusieurs dangers, notamment :
- Divulgation indirecte d’informations sensibles, transmises entre collègues représentant les deux parties.
- Pression subtile pour conclure rapidement, afin de satisfaire les objectifs internes de l’équipe.
- Fausse impression de neutralité, alors que le courtier peut favoriser la conclusion de la vente, même au détriment des intérêts de l’acheteur.
Même si le courtier respecte les règles du “traitement équitable”, cela ne remplace pas la loyauté exclusive qu’offre un véritable contrat de courtage achat (CCA).
Ce que l’acheteur(euse) gagne à comprendre cette réforme
Lire et comprendre cet article, c’est :
- Savoir que la double représentation n’est plus permise, même par des stratégies d’équipe.
- Réaliser qu’un courtier ne peut jamais être neutre entre deux parties aux intérêts opposés.
- Comprendre que la seule façon d’être réellement protégé, c’est de signer un Contrat de courtage achat (CCA) avec un(e) courtier(ère), qui ne représente que vous.
- Être capable de poser les bonnes questions à un courtier avant de le choisir : « Représentez-vous aussi le vendeur ? Êtes-vous membre d’une équipe ? Pour qui travaillez-vous, exactement ? »
Des sanctions claires contre les courtiers récalcitrants
Pour faire respecter ces règles, l’OACIQ a renforcé son pouvoir disciplinaire. Les courtiers qui contreviennent à la Loi s’exposent à :
- Des amendes de 2 000 $ à 50 000 $
- Des suspensions de permis, temporaires ou permanentes
- Des obligations de formation obligatoire, souvent accompagnées de mises à l’épreuve
Les décisions rendues par le comité de discipline sont publiques et témoignent d’une volonté claire : protéger les consommateurs en éliminant les pratiques ambigües.
Conclusion : Un appel à la vigilance pour tous les acheteurs
L’interdiction de la double représentation, combinée à l’encadrement des équipes, représente un pas en avant majeur pour les droits des acheteurs. Mais encore faut-il en être informé.
Acheter une propriété sans représentation exclusive, c’est comme plaider sa cause devant un tribunal… sans avocat.
Même si vous êtes bien intentionné, l’autre partie est, elle, pleinement défendue. C’est pourquoi la signature d’un CCA avec un(e) courtier(ère) qui ne travaille que pour vous est la bonne façon d’être accompagné de manière loyale, stratégique et sans conflit d’intérêts.


